Formation des récifs : de gros dérèglements
La formation des récifs coralliens repose sur un processus complexe, qui combine deux étapes majeures. Durant la phase d’accrétion, les coraux s’accumulent et se développent jusqu’à constituer une structure tridimensionnelle à la fois robuste, colorée et biochimiquement viable pour toutes les espèces qui y trouvent refuge.
L’ampleur et l’intensité de ce mécanisme d’accumulation dépendent des conditions chimiques de la mer, lesquelles sont étroitement liées aux facteurs environnementaux et climatiques. En parallèle de l’accrétion, les récifs se décomposent également sous l’action de bio-érodeurs, des organismes catalyseurs à l’origine du blanchissement et de la destruction des structures des coraux. En temps normal, la formation de la structure est plus rapide et plus importante permettant aux récifs coralliens de s’étendre dans toutes les eaux favorables à leur développement.
L’augmentation galopante des niveaux de CO2 dans l’atmosphère représente dès lors une grave menace pour la survie de ces écosystèmes complexes. Des chercheurs évoquent même la probabilité d’une disparition des récifs coralliens, sous le poids du réchauffement climatique. Et cette catastrophe aura lieu plus rapidement que prévu.
Des récifs vitaux pour la faune marine et pour les humains
On retrouve des récifs coralliens dans presque tous les océans du globe situés entre les latitudes 32°Sud et 32° Nord.
Ces écosystèmes constituent de fait une formidable réserve de biodiversité marine.
Les scientifiques estiment d’ailleurs que les populations de cette région du globe sont les plus exposées à la disparition de ces habitats complexes sous-marins. On retrouve également des peuples et des pêcheurs fortement dépendants des coraux en Afrique de l’Est, en Océanie, en Amérique du Sud et en Amérique centrale.
La pêche dans ces récifs constitue également la principale source de revenus de millions de personnes. L’industrie pharmaceutique puise également dans ces récifs pour prélever des éléments entrant dans la composition de médicaments, comme ceux contre le SIDA ou certains cancers.
Les récifs coralliens, avec leur structure et leur grande robustesse, forment une très grande barrière de protection contre l’érosion des côtes sous la force des vagues et autres événements météorologiques importants. Des entreprises extractives exploitent les matières premières dans ou autour de ces récifs.
Enfin, lorsqu’ils sont bien conservés, les récifs coralliens attirent des millions de visiteurs d’autres régions, venus apprécier la richesse de leur faune et de leur flore. La probable disparition de ces écosystèmes appelle donc des mesures radicales et urgentes, fondées sur une meilleure compréhension des facteurs à l’origine de leur destruction et une stratégie de conservation axée sur les besoins réels des régions concernées.
Anticiper et limiter les destructions dans les zones les plus exposées
La communauté scientifique comprend mieux les phénomènes et les interactions physico-chimiques et climatiques à l’origine du blanchissement des coraux. Cependant, ces paramètres évoluent sans cesse, au rythme des perturbations du climat et de l’environnement causées par l’activité humaine.
Difficile, dans ces conditions, d’anticiper l’accélération ou le ralentissement du blanchissement et de la disparition des coraux. Or, la conservation de ces récifs exige de connaître les zones les plus exposées et la période à laquelle les coraux pourraient subir une dégradation. Les scientifiques font appel à deux indicateurs clés pour obtenir les renseignements : le DHW ou « degrés-semaine de réchauffement » et la concentration d’aragonite Omega.
- Le niveau d'aragonite Omega
Le niveau d’aragonite Omega correspond aux taux de saturation du carbonate de calcium minéral dans l’eau de mer. Plus ces niveaux sont élevés, plus vite les récifs coralliens s’accumulent. En revanche, la vulnérabilité des coraux à l’acidification des océans augmente au fur et à mesure que les niveaux d’aragonite Omega diminuent.
Partant de ce constat, des chercheurs ont travaillé avec l’agence NOAA pour évaluer le niveau d’Aragonite dans les océans du globe à l’horizon 2050, sur la base du scénario RCP 8.5 du GIEC, soit la trajectoire actuelle qui présage de fortes perturbations climatiques. Selon cette projection, les zones où les niveaux d’aragonite risquent de s’approcher d’un seuil dangereux dans 30 ans s’étalent autour de la Polynésie, dans le Pacifique Ouest, au large du sous-continent indien, ainsi qu’en Amérique du Sud et en Amérique centrale. Cet horizon de temps pourrait toutefois être raccourci, si l’on tient compte de la valeur de DHW.
- Le degré-semaine de réchauffement
Dans le jargon scientifique, le degré-semaine de réchauffement ou DHW indique la probabilité d’occurrence d’un blanchissement des récifs coralliens. Cette unité de mesure, en °C-semaine, combine la durée et l’intensité du stress thermique auquel les coraux sont exposés. Par consensus, on fixe à 8°C-semaine le seuil minimum à partir duquel les coraux meurent massivement. À noter toutefois qu’un DHW de 4°C-semaine est déjà dangereux pour les récifs.
Toujours selon le scénario RCP 8.5, les scientifiques ont cartographié les régions où un DHW de 8°C-semaine se produit déjà tous les ans ou se produira dans les années à venir. Là encore, les récifs du Pacifique Ouest et des mers d’Asie du Sud-Est sont particulièrement menacés. Ils risquent un blanchissement plus rapide qu’ailleurs.
En croisant les prévisions du DHW et les niveaux d’aragonite, les chercheurs dressent un constat alarmant. Selon eux, les populations vivant dans le Triangle du Corail, près de la Grande Barrière de Corail et en Asie du Sud-Est vont le plus souffrir de la destruction des récifs d’ici 2050. Il se peut même que le problème soit encore plus grave, vu le manque de données scientifiques fiables dans ces régions. Ils précisent néanmoins que très peu de mers abritant des coraux seront épargnées.
Réduire les émissions de CO2, et vite !
Les observations des scientifiques de la NOAA et des auteurs de cette étude à grande échelle partagent un point commun : les émissions de CO2 figurent en tête des facteurs identifiés comme à l’origine de l’acidification des océans et de la hausse des températures globales.
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